TEXTE
(…) Ma mère
oublia que Rahma n'était qu'une pouilleuse, une mendiante d’entre les
mendiantes. Tout émue, elle se précipita au premier étage en criant :
- Ma
sœur ! Ma pauvre sœur ! Que t'est-il arrivé ?
- Nous
pouvons peut-être te venir-en aide. Cesse de pleurer, tu nous déchires le cœur.
Toutes les
femmes entourèrent Rahma la malheureuse. Elle réussit enfin à les
renseigner : Zineb avait disparu, perdue dans la foule. En vain, sa mère
avait essayé de la retrouver dans les petites rues latérales, Zineb s'était
volatilisée, le sol l'avait engloutie et il n'en restait pas la moindre trace.
La nouvelle
de cette disparition se propagea instantanément dans le quartier. Des femmes
inconnues traversèrent les terrasses pour venir prendre part à la douleur de
Rahma et l'exhorter à la patience. Tout le monde se mit à pleurer bruyamment.
Chacune des assistantes gémissait, se lamentait, se rappelait les moments
particulièrement pénibles de sa vie, s'attendrissait sur son propre sort.
Je m'étais
mêlé au groupe des pleureuses et j'éclatai en sanglots. Personne ne s'occupait
de moi. Je n'aimais pas Zineb, sa disparition me réjouissait plutôt, je
pleurais pour bien d'autres raisons. D'abord, je pleurais pour faire comme tout
le monde, il me semblait que la bienséance l'exigeait; je pleurais aussi parce
que ma mère pleurait et parce que Rahma, qui m'avait fait cadeau d'un beau
cabochon de verre, avait du chagrin ; mais la raison profonde peut-être,
c'était celle que je donnai à ma mère lorsqu'elle s'arrêta, épuisée. Toutes les
femmes s'arrêtèrent, s'essuyèrent le visage, qui avec un mouchoir, qui avec le
bas de sa chemise. Je continuais à pousser des cris prolongés. Elles essayèrent
de me consoler.
Ma mère me
dit :
-
Arrête ! Sidi Mohammed, on retrouvera Zineb, arrête ! Tu vas te faire
mal aux yeux avec toutes ces larmes.
Hoquetant,
je lui répondis :
- Cela m'est
égal qu'on ne retrouve pas Zineb, je pleure parce que j'ai faim !
Ma mère me
saisit par le poignet et m'entraîna, courroucée. (…)
Mon père
arriva, comme de coutume, après la prière de l'Aacha. Le repas se
déroula simplement, mais à l'heure du thé, maman parla des événements de la
journée. Elle commença :
- Cette
pauvre Rahma a passé une journée dans les affres de l'angoisse. Nous avons
toutes été bouleversées.
- Que
s'est-il passé ? demanda mon père.
Ma mère
reprit :
- Tu connais
Allal le fournier qui demeure à Kalklyine ? Si, si, tu dois le connaître.
Il est marié à Khadija, la sœur de notre voisine Rahma. Il y a un an, ils sont
venus passer une semaine ici chez leurs parents ; ce sont des gens honnêtes,
pieux et bien élevés. Mariés depuis trois ans ils désiraient vivement avoir un
enfant. La pauvre Khadija a consulté les guérisseurs, les fqihs, les sorciers
et les chouafas sans résultat. Il y a un an, ils sont allés en pèlerinage à
Sidi Ali Bou Serghine. Khadija se baigna dans la source, promit au saint de
sacrifier un agneau si Dieu exauçait son vœu. Elle a eu son bébé.
I. Étude de texte (10 points)
1. Recopiez et complétez le tableau
suivant. (1 pt)
Titre de
l’œuvre
|
Auteur de
cette œuvre
|
Genre
littéraire
|
Une autre
œuvre du même auteur
|
2. Situez le passage dans l’œuvre dont
il est extrait. (1 pt)
3. À quelle occasion, dans l’œuvre, la
mère du narrateur s’était-elle disputée avec Rahma et pourquoi change-t-elle
d’attitude vis-à-vis d’elle dans ce passage ? (1 pt)
4. Relevez dans le texte quatre
mots ou expressions relatifs au champ lexical de la douleur. (1 pt)
5. Dans la phrase suivante, de quelle
figure de style s’agit-il et quel en est l’effet ? « Cesse de pleurer, tu nous déchires
le cœur. » (1 pt) 6. Les femmes pleurent pour deux raisons, lesquels
? (1 pts)
7. En vous appuyant sur votre connaissance
de l’œuvre, recopiez et complétez le tableau suivant. (1 pt)
Les
personnages
|
Le malheur
ayant frappé chacun d’eux
|
Maalem
Abdeslem
|
|
Moulay
Larbi
|
|
Lala Aïcha
|
|
Rahma
|
8. Reliez
chaque énoncé du texte de la colonne A à la signification qui lui
convient dans la colonne B. (1 pt)
A- Énoncés du
texte
|
B- Signification
|
|||
a. « Zineb s’était
volatilisée, le sol l’avait engloutie. »
|
1. Le respect des bonnes manières
|
|||
b. « Khadija promit au saint
de sacrifier un agneau. »
|
2. La peine
|
|||
c. « les affres de
l’angoisse. »
|
3. La disparition
|
|||
d. « il me semblait que la
bienséance l’exigeait. »
|
5. L’offrande
|
|||
a
|
b
|
c
|
d
|
|
9. Toutes les
voisines se sont associées à Rahma dans son malheur. Quel sentiment cela
suscite-t-il en vous ? Répondez en deux ou trois phrases. (1 pt)
10. Pour avoir
un enfant, Khadija a consulté les guérisseurs, les fqihs et les sorciers …
Quel jugement portez-vous sur cette pratique ? Justifiez votre réponse
en deux ou trois phrases. (1 pt)
II.
Production écrite (10 points) Sujet : Si Antigone avait
obéi aux ordres de Créon, elle n’aurait pas été condamnée à mort
À votre avis, les jeunes doivent-ils toujours obéir aux adultes ? En tant que jeune, donnez votre propre point
de vue en vous appuyant sur des arguments convaincants et des exemples précis.
Votre production sera évaluée selon les
critères suivants : Respect de la consigne. Cohérence de
l’argumentation. Correction de la langue. Originalité.