Ma mère se réveilla à son tour, prit la table et se dirigea vers sa
cuisine. Elle revint, les mains chargées du plateau et des verres pour le thé.
Elle trouva mon père debout, se préparant déjà pour dormir.
- Tu ne prends pas de thé ? lui demanda ma mère.
- Non, et dorénavant, tu feras attention à ne pas trop gaspiller ton sucre.
- Suis-je une femme qui gaspille?
- Telle n’est pas ma pensée. Je veux simplement te dire qu’à partir de demain, il nous sera difficile d’avoir du sucre et du thé tous les Jours.
Ma mère devint toute pâle. J’ouvris grands mes yeux pour ne rien perdre de la scène. Elle posa le plateau, se redressa, regarda mon père bien en face.
- Je pressens un grand malheur, dit-elle d’une voix brisée.
Mon père resta silencieux, les paupières baissées. Brusquement, un claquement sonore me fit sursauter dans mon lit, me tira un gémissement de douleur. Ma mère s’était appliqué sur les joues ses deux mains avec la force du désespoir. Elle s’assit à même le sol, s’acharna sur son visage, se griffa, se tira les cheveux sans proférer une parole. Mon père se précipita pour lui retenir les mains. Ils luttèrent un bon moment. Ma mère s’écroula face contre terre.
- Ô femme! Ne crains-tu plus la colère de Dieu? dit doucement mon père. Aie confiance en sa miséricorde. Dieu ne nous abandonnera pas. Ce qui nous arrive, arrive tous les jours à des milliers de musulmans. Le croyant est souvent éprouvé. J’ai perdu dans la cohue des enchères aux haïks tout notre maigre capital. J’avais mis l’argent dans un mouchoir. J’ai dû laisser le mouchoir tomber par terre, croyant le glisser dans ma sacoche.
Ma mère avait relevé la tête. Elle ne disait rien. Mon père, de sa voix calme, continuait:
- Pourquoi se lamenter? Nous devons louer Dieu en toutes circonstances. Enfin, ma mère sortit de son silence.
- Qu’allons-nous faire?
- Je vais travailler.
- Combien as-tu perdu?
- Tout mon fonds de roulement. Je n’ai pas même de quoi payer mon ouvrier qui n’a rien touché cette semaine. Je dois aussi un mois de loyer au propriétaire de l’atelier. Je pensais régler toutes ces dettes et acheter du coton.
- Les marchands ne pourraient-ils pas te faire crédit? Tu es connu honorablement.
- Jamais je ne m’abaisserai jusqu’à mendier du coton à l’un de ces voleurs. Je ne veux pas non plus du misérable salaire d’un ouvrier. Je suis un montagnard et un paysan. La saison de la moisson commence à peine, on embauche des moissonneurs. J’irai travailler aux environs de Fès.
-Tu oserais m’abandonner avec un enfant malade ?
- Préférerais-tu mourir de faim ? Aimerais-tu devenir un objet de pitié pour tes amies et tes voisines? Je serai à deux jours de marche de la ville. Sidi Mohammed ira mieux demain. Fais-lui une soupe à la menthe sauvage; couvre-le bien afin qu’il transpire abondamment. Aujourd’hui, il a moins de fièvre que la nuit dernière.
[…]
- Je vous laisserai seuls pendant un mois. Je tâcherai de ne rien dépenser de mon salaire, il me sera possible de remettre l’atelier en marche dès mon retour.
Un grand silence s’établit, un silence lourd, moite, huileux et noir comme la suie. J’étouffais. Je désirais de toutes mes forces qu’une porte claquât, qu’une voisine poussât un cri de joie ou un gémissement de douleur, que quelque événement extraordinaire survînt pour rompre cette angoisse. Je voulais parler, dire n’importe quelle sottise mais ma gorge se serra et une plainte expira sur mes lèvres.
- Tu ne prends pas de thé ? lui demanda ma mère.
- Non, et dorénavant, tu feras attention à ne pas trop gaspiller ton sucre.
- Suis-je une femme qui gaspille?
- Telle n’est pas ma pensée. Je veux simplement te dire qu’à partir de demain, il nous sera difficile d’avoir du sucre et du thé tous les Jours.
Ma mère devint toute pâle. J’ouvris grands mes yeux pour ne rien perdre de la scène. Elle posa le plateau, se redressa, regarda mon père bien en face.
- Je pressens un grand malheur, dit-elle d’une voix brisée.
Mon père resta silencieux, les paupières baissées. Brusquement, un claquement sonore me fit sursauter dans mon lit, me tira un gémissement de douleur. Ma mère s’était appliqué sur les joues ses deux mains avec la force du désespoir. Elle s’assit à même le sol, s’acharna sur son visage, se griffa, se tira les cheveux sans proférer une parole. Mon père se précipita pour lui retenir les mains. Ils luttèrent un bon moment. Ma mère s’écroula face contre terre.
- Ô femme! Ne crains-tu plus la colère de Dieu? dit doucement mon père. Aie confiance en sa miséricorde. Dieu ne nous abandonnera pas. Ce qui nous arrive, arrive tous les jours à des milliers de musulmans. Le croyant est souvent éprouvé. J’ai perdu dans la cohue des enchères aux haïks tout notre maigre capital. J’avais mis l’argent dans un mouchoir. J’ai dû laisser le mouchoir tomber par terre, croyant le glisser dans ma sacoche.
Ma mère avait relevé la tête. Elle ne disait rien. Mon père, de sa voix calme, continuait:
- Pourquoi se lamenter? Nous devons louer Dieu en toutes circonstances. Enfin, ma mère sortit de son silence.
- Qu’allons-nous faire?
- Je vais travailler.
- Combien as-tu perdu?
- Tout mon fonds de roulement. Je n’ai pas même de quoi payer mon ouvrier qui n’a rien touché cette semaine. Je dois aussi un mois de loyer au propriétaire de l’atelier. Je pensais régler toutes ces dettes et acheter du coton.
- Les marchands ne pourraient-ils pas te faire crédit? Tu es connu honorablement.
- Jamais je ne m’abaisserai jusqu’à mendier du coton à l’un de ces voleurs. Je ne veux pas non plus du misérable salaire d’un ouvrier. Je suis un montagnard et un paysan. La saison de la moisson commence à peine, on embauche des moissonneurs. J’irai travailler aux environs de Fès.
-Tu oserais m’abandonner avec un enfant malade ?
- Préférerais-tu mourir de faim ? Aimerais-tu devenir un objet de pitié pour tes amies et tes voisines? Je serai à deux jours de marche de la ville. Sidi Mohammed ira mieux demain. Fais-lui une soupe à la menthe sauvage; couvre-le bien afin qu’il transpire abondamment. Aujourd’hui, il a moins de fièvre que la nuit dernière.
[…]
- Je vous laisserai seuls pendant un mois. Je tâcherai de ne rien dépenser de mon salaire, il me sera possible de remettre l’atelier en marche dès mon retour.
Un grand silence s’établit, un silence lourd, moite, huileux et noir comme la suie. J’étouffais. Je désirais de toutes mes forces qu’une porte claquât, qu’une voisine poussât un cri de joie ou un gémissement de douleur, que quelque événement extraordinaire survînt pour rompre cette angoisse. Je voulais parler, dire n’importe quelle sottise mais ma gorge se serra et une plainte expira sur mes lèvres.
Nom et prénom : …………………………………………………………. Niveau :
1SM
Durée : 2h
Durée : 2h
Evaluation n° 1
I.
Compréhension
et langue : (10pts)
1.
Identifiez le
texte en remplissant le tableau ci-dessous : (1pt)
Auteur
|
Œuvre
|
Genre
|
Date
d’édition
|
2.
Situez le
passage dans l’œuvre. (1pt)
.…………………………………………………………………………………………………………………
.…………………………………………………………………………………………………………………
.…………………………………………………………………………………………………………………
.…………………………………………………………………………………………………………………
.…………………………………………………………………………………………………………………
.…………………………………………………………………………………………………………………
3.
Quel est le
souci de la famille du narrateur ?
Justifiez-votre réponse. (0.5pt)
.…………………………………………………………………………………………………………………
.…………………………………………………………………………………………………………………
.…………………………………………………………………………………………………………………
4.
Qui parle dans
le texte ? Est-il le narrateur enfant ou adulte ? Justifiez votre
réponse en précisant de quel énoncé il s’agit et ses caractéristiques. (1.5pts)
.…………………………………………………………………………………………………………………
.………………………………………………………………...………………………………………………………………………………………………………………………………………….........................
5.
Quel est le
registre dominant dans le texte? Justifiez votre réponse. (1.5pts)
.………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………...........................
.…………………………………………………………………………………………………………………..
.………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………...........................
.…………………………………………………………………………………………………………………..
6.
Transformez le
discours direct en discours indirect et le discours indirect en discours
direct. (3pts)
Discours
direct
|
Discours
indirect
|
« Tu ne prends pas de thé ? », lui demanda ma
mère.
|
|
Toutes les deux me répondirent de concert qu’il n’y avait pas dans cette soupe la moindre parcelle de piment. |
|
« Aujourd’hui, il a moins de fièvre que la nuit
dernière », murmura-t-il.
|
7.
Relevez du texte les figures d’analogie
suivantes : (1.5pts)
a.
Comparaison :
.……………………………………………………………………………………………………………...……………………………………………………………………………………………………………
.……………………………………………………………………………………………………………...……………………………………………………………………………………………………………
b.
Métaphore :
.……………………………………………………………………………………………………………...……………………………………………………………………………………………………………
.……………………………………………………………………………………………………………...……………………………………………………………………………………………………………
II.
Production
écrite (10pts)
Sujet: Le
départ du père de Sidi Mohammed laisse un grand vide dans la vie de la famille. Quelle était votre première
séparation avec la personne que vous aimez ? Racontez.
Consignes : - Raconter votre propre expérience en utilisant
la première personne du singulier « je ».
- Utiliser le registre littéraire approprié.
- Employer quelques figures d’analogie.
- Utiliser le registre littéraire approprié.
- Employer quelques figures d’analogie.
BON COURAGE